Les San Blas ou la vie de mouillage
Deux mois bien remplis pour notre dernière grande escale sous les tropiques des Caraïbes.
Et oui, les San Blas sont au Panama, antichambre du fameux canal ouvrant la route
sur le Pacifique ! C’est donc avec ce sentiment en arrière-plan que nous avons vécu
ce séjour, le plus long dans le même archipel depuis notre départ, alternant mouillages
solitaires ou partagés avec les copains, journées ensoleillées ou grises et ventées,
améliorant le tableau de pêche et la qualité des jibes en planche, tentant des expériences
inédites en cuisine, rédigeant de nombreuses lignes entre le livre sur le bonheur
du pêcheur et les articles pour les magazines de voile de la skipette, partageant
les couchers de soleil avec un fou, une tour et un cavalier défendant leur roi avec
plus ou moins de succès. Alors pour vous faire partager tout cela, voici quelques
extraits du journal de bord de Thétys.
15/01/09 - Ca y est, le paradis des San Blas s’offre à nous, accueillis par les Pascaux
et leurs pancakes pour marins fatigués, et Milo One, au rendez-vous également. Entre
fatigue de la navigation et énorme plaisir de les revoir dans ces eaux turquoise,
nos cœurs balancent … !
24/01/09 - Où malgré une météo mitigée qui nous lève parfois la nuit pour regarder
monter le vent à 30 nœuds et fermer les hublots en catastrophe, nous profitons de
la vie de mouillage en compagnie de nos copains. Les activités sont partagées avec
Milo, les Pascaux, et la Ritournelle. Pêche pour les hommes, fructueuse, baignade
pour les filles, planche pour les sportifs. Petites soirées arrosées ou tranquilles.
Visite des mouillages (5 depuis notre arrivée !) qui sont espacés d'une petite heure
de navigation maximum, calée en fin de matinée pour avoir la meilleure visibilité
à l'arrivée. Nets progrès sur la cuisine à bord, avec ceviche, brandade, poisson
grillé au four, mayo digne de ce nom, gâteaux, crèmes au chocolat, et les 8 premiers
yaourts faits maison (avec l'aide de Pascale) ! On se régale !
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28/01/09 - Direction cette fois l’administration ! Basée à Porvenir (1/2 heure de
nav’), 3 bureaux sous un drapeau des San Blas (immigration, autorités maritimes,
et « congreso de san blas »), les pieds dans le sable, les toits en palme troués,
fauteuils défoncés, les dollars imposés ici ont une autre utilité que celle d’enrichir
les travaux publics locaux. On a de la chance, ils sont ouverts, tous présents, et
comme on est ni un week-end, ni un jour férié, et qu’on est en règle (sortie officielle
et conforme de Bonaire) ils se contentent des taxes normales (les autres ont tous
payé des amendes, et les montants sont selon l’humeur des officiels). Seule l’autorité
maritime essaie de nous tirer les vers du nez, trouvant (à juste titre) que 21 jours
sans toucher terre pour faire Bonaire – San Blas, c’est un peu long ... Mais faute
de pouvoir visiter les mouillages pour surprendre les voiliers qui ne se précipitent
pas pour payer et se mettre en règle, il devra se contenter de notre espagnol extrêmement
approximatif pour l’occasion (tout le monde sait qu’on est devenu bilingue quand
il s’agit de dire « no molas » et « cuento dollares para una langosta ? ») et d’une
histoire préparée par Bruno, parlant de « vamos a Cuba, mucho viento, mucho malado,
retorno en San Blas, mucho tiempo » !!! CQFD !
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01/02/09 - Dimanche pluvieux aux San Blas … Alors on adapte le programme : lecture
au coin du feu, bœuf bourguignon au déjeuner et soirée télé avec au programme un
vieux classique : « le grand bleu » ! … Non non, c’est presque vrai … mais on a quand
même réussi à intercaler 1 heure de planche, 2 ploufs, 3 crabes au déjeuner.
03/02/09 – Nouvelles retrouvailles, avec l’arrivée au mouillage de Lévitha et Riga
II, rencontres de Bonaire, rejoints dans l’après-midi par Mowgli, rencontre de Tobago.
Quant à ces trois-là, ils se sont connus il y a un an et demi, sur le rallye des
Iles du Soleil … Les tourdumondistes ont rendez-vous aux San Blas …
10/02/09 – Visite à Nargana, la grande ville du coin, pour le ravitaillement … En
fait il s’agit d’une petite île recouverte de cahutes en cocotiers et palme, quelques
bâtiments en dur, l’école, la salle de réunion, l’épicerie. C’est là que nous nous
rendons, une petite pièce mi béton / mi cocotier, quelques étagères en bois fixées
aux murs, une kuna qui fait sécher ses liasses de dollars devant un ventilateur,
des fourmis qui grimpent partout, et dans un cagibi derrière, des fruits et légumes
! Nous trouvons donc pour notre plus grand plaisir : des papas, des pinas, des tomates,
des huevos, des zanahoria … bref, de quoi re-remplir notre frigo de fraîcheur bienvenue
pour accompagner la pêche.
14/02/09 - Est-ce un signe, le hasard, une coïncidence ??? 1 an après nous avoir
aperçus dans le port de Marseille (pendant notre préparation au grand départ), Nathalie
et Jérôme de Na Maka (naviguant sur un Switch 51, bateau qu'on avait failli acheter)
se trouvent au même mouillage, nous faisons connaissance, et ils viennent dîner ce
soir. Bref, tout ça pour dire que la mer est ronde, les rencontres nombreuses et
coïncidistiques, le soleil à peu près revenu, le pêcheur en grande forme (2 barracudas
hier et 10 pages de bonheur). Et à l’heure de la réflexion pacifique, la skipette
est en grande émulsion : Panama, Gambier, Marquises, quand, où, quelle météo, mais
où j'ai mis mon maillot ??? On pense aux terriens dans ce joli lagon qui abrite notre
vie en bleu.
22/02/09 - Par 30°C à l'intérieur et à l'extérieur du bateau, toujours posés aux
San Blas, nous nous décalons de quelques milles tous les 2-3 jours, histoire de changer
de paysage. Nos copains de Mowgli sont revenus puis repartis, mais Bruno en a quand
même profité pour leur cueillir un énorme barracuda plus quelques pagres, carangues
et autres crabes en tous genres, et moi pour taper quelques jibes motivés avec Philippe
et Thierry d'Alofi, avec un peu de vent retrouvé !
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03/03/09 – Aujourd’hui, "le voyage de Thétys" fête sa première année ! Remember ...
3 mars 2008, nous quittions le vieux port de Marseille sous l'œil bienveillant de
Jean-Pierre et de notre Dame de la Garde, par un joli mistral bien établi ... Et
pour fêter cela dignement, nous avons eu le plaisir de partager avec Georg et Eva
de Kopernik retrouvés depuis quelques jours (et rencontrés il y a plus de 6 mois
à Trinidad à l'arrivée de notre transat', un symbole !) des filets de mérou flambés
au pastis par notre cuisinier et 1 gâteau marbré !
Mathématiquement parlant : 6300 milles, 28 nuits en mer, 2 sorties de l'eau, un record
à 19,2nds, 9 pays visités. Amicalement parlant : 18 bonnes rencontres avec de hardis
navigateurs, dont 2-3 très belles amitiés. Estomacalement parlant : 327,4 kg de poissons
pêchés, 167 langoustes et crabes attrapés, 365 litres de coca ingurgités, une dizaine
de recettes assimilées.
Finalement parlant ... sans en faire tout un plat, on voulait juste vous faire partager
ce sentiment particulier que nous avons ressenti, peut-être parce qu'après en avoir
tant parlé, on l'a fait, vécu, et on est aux portes du Pacifique, avec l'envie de
continuer un an de plus, pour voir ...
05/03/09 - Le pêcheur (un peu trop gourmand puisque le repas du jour était déjà assuré)
a voulu suivre un énôôôôôrme banc d'énôôôôôrmes pagres et n'a pas bien pris le temps
de décompresser ses oreilles (l'excitation sans doute, c'était visiblement "l'aquarium
du siècle" !). Résultat, un pppsssssshittttt (véridique, d'après les informations
données par l'intéressé) dans l'oreille gauche plus tard, et un petit coup de flip
sur l'instant le temps de rejoindre l'annexe heureusement assez proche, il est revenu
avec un joli pagre et un tympan percé de sa séance. Un coup de fil aux Urgences des
navigateurs et à l'ORL cavaillonais ont confirmé le diagnostic, validé notre trousse
à pharmacie qui renfermait le produit miracle (gouttes antibiotiques), et annoncé
le verdict : s'il n'y a pas d'infection, pas d'urgence à aller à Panama voir un docteur,
mais dans tous les cas, interdiction de remettre la tête sous l'eau avant 4 à 6 semaines
... A priori pas d'infection en vue, l'infirmière semble avoir trouvé la bonne méthode
pour soigner son pêcheur (soirée crêpes, le laisser gagner aux échecs ...), on mange
du poulet décongelé, et on attend le bon créneau météo pour se diriger tranquillement
vers Panama, courant de semaine à venir ou début de la suivante.
Donc tout va bien, Bruno est en forme malgré son oreille percée, et on progresse
en recettes de poulet et partie d'échecs !
07/03/09 - Après 1 bon mois et 1/2 aux San Blas, nous avons déniché LE mouillage
idéal ! Et oui, les critères étaient nombreux (et parfois divergents), mais on a
fini par le trouver.
Donc 1er critère, il fallait que ce soit beau. Et là, le long d'une petite île couverte
de cocotiers, avec 2 autres îles derrière pour les premiers plans des couchers de
soleil, et les pélicans qui campent dans la piscine abritée ... paradisiaque !
2ème critère : être tous seuls. Impeccable vu que le mouillage principal marqué sur
la carte où s'entassent en permanence 5-6 bateaux est à 500m sur la droite.
3ème critère : le mouillage doit être abrité, et comme il se trouve juste à la sortie
d'une petite passe qui coupe la houle tout en laissant un peu de vent pour l'aération
naturelle du bateau. Perfect !
4ème : Ensuite, comme il faut bien se nourrir, l'aquarium doit être assez proche.
Encore une fois bingo, avec des pêches à gogo : quelques jolis pagres, thazards,
une sole (!), des carangues, et surtout le plus gros mérou de tous les temps, aux
alentours de 10kg (photo à suivre dans quelques jours) ... un régal !!! Et puis tortues,
raies et requins sont là pour parfaire le spectacle ...
Dernier critère (assez personnel, je le reconnais) : le spot de planche. Le meilleur
des San Blas, mer plate du fait de la barrière de corail, quelques kilomètres devant
l'aileron sans patates pour s'accrocher, du vent ... Trop bon !
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06/03/09 - Un passager clandestin qui s'est avéré être une, mais pas très propre
puisqu'elle nous laissait des petites crottes partout ... Coté coque invité quand
même, mais bon ... Du coup, après une petite chasse technique et beaucoup de chance,
on a réussi à la virer par-dessus bord ... Ouf !
07/03/09 – Kopernik nous a convié à son fameux « souper suisse » du samedi soir !
Nous nous sommes remplis l'estomac de fromage, pomme de terre et "tresse suisse",
sorte de brioche assez compacte et délicieuse, et assez facile à faire d'après Eva.
La preuve en image le lendemain, puisque venant pour un dernier apéro avant le départ
vers le canal, ils sont arrivés avec la pâte déjà préparée, avec laquelle nous avons
eu un cours de tressage, puis mise au four et dégustation à suivre, avec notre dernier
camembert !!!
10/03/09 – Après très exactement 54 jours, nous n'atteindrons finalement pas le cap
fatidique des 2 mois aux San Blas, signifiant probablement la fin des rouleaux de
PQ, puisqu'on a réussi à taxer du liquide vaisselle à nos amis de Kopernik. Et puis
le score aux échecs est sans appel (4 à 7), irrécupérable en quelques jours supplémentaires.
Et il est aussi temps d'éloigner "oreille percée" d'éventuels regrets de ne plus
mettre la tête sous l'eau, donc on file. Direction Panamarina (!), une petite marina
tenue par des français, à une journée de mer, où nous devrions retrouver en douceur
la civilisation : Internet, lessives et steak-frites. Avant le grand saut vers Colon
(une grosse demi-journée supplémentaire), où nous irons en fin de semaine ou début
de prochaine, voir les portes du canal et nous préparer à y pénétrer !
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