le VOYAGE DE THETYS
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(la suite)

Et retour à Mindelo

Pendant que nous trainions nos baskets à Santo Antao, les copains navigateurs s'activaient sérieusement pour préparer la transat. Bricolage en masse pour les hommes, courses à répétition pour les filles, et météo pour tous. Après sans doute beaucoup de réflexion dopée par la caïpirinha du Clube Nautico, la bonne date de départ était fixée au jeudi 6 décembre. Alors on est rentré de Santo Antao pile pour pouvoir souffler dans les cornes de brume aux départs successifs d'Ulys, puis Jad, Reine de Saba, Oceanix, Varatraza2, et enfin TiPlouf, bon dernier au ponton gasoil. Beaucoup de larmes ont brouillé les sourires des partants pour la grande aventure, et la tribu des enfants ne réalisait pas qu’une traversée d’océan pouvait les séparer des copains. C'était grosse ambiance à chaque départ. Quels souvenirs !!!

Bons derniers, et même si nos préparatifs sont beaucoup plus légers que ceux des autres (le bateau est déjà prêt et nous aussi, apparemment), on déguste une dernière feijoada avec les cousins d’Andanza, puisqu'eux seuls ont su résister à l'appel de la transat en groupe ! Pas pour longtemps puisqu'on a prévu de partir ensemble le lendemain, et avec des bateaux théoriquement plus rapides…

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Santa Luzia

C'est à 5 catamarans qu'on a quitté l'île de Boa Vista dimanche en fin d'après-midi. Coups d'œil à droite à gauche, les plus lents partent en premier, et tout le monde se demande (mais il n'y a pas beaucoup de surprise) qui va le plus vite. On se retrouve au près dans une petite mer un peu formée avec des vagues travers, les 15nds réels se transforment en 25nds apparents, et Thetys file ses 10nds. On va bien s'y habituer ! Donc c'est sans surprise qu'on a largué les copains, plus lourds ou plus courts, deux facteurs prépondérants pour bien avancer. Mais le vent a calé dans la nuit, et tout le monde est resté à portée de VHF et de vue des feux de nav', ce qui est bien sympa et rassurant.

On a même eu droit à un quizz musical par Gilles de JAD, le belge de la troupe qui chante plutôt bien, même si son répertoire est très belgo-eighties. C'est finalement avec Andanza et Ti'Plouf qu’on atterrit dans la matinée sur  Santa Luzia, île déserte et plaque tournante du trafic de drogue atlantique (d'après le guide touristique). Et là, dans un calme auquel on n’est plus habitué, on découvre une grande baie, deux bateaux au mouillage, et des "Rocky Mountains" qui descendent droit dans l'eau. Un peu comme le Grand Canyon qui se serait échoué au milieu de l'Atlantique, pour le plus grand bonheur visuel des bateaux qui tentent le mouillage, peu fréquenté.

Et pour cause, on se fait déloger le lendemain après-midi par les gardes-côtes. Est-ce qu’on dérange ? Apparemment il faut une autorisation, que nous n’avons évidemment pas. Et étant donné l’heure tardive qui nous ferait arriver de nuit à Mindelo, prochaine escale mais baie pimentée d’épaves non éclairées, nous faisons le choix avec les copains de viser Sao Pedro au sud de l’île de Sao Nicolau. Ce qui nous vaut une magnifique navigation à quelques mètres les uns des autres, sous la falaise et les lumières du soleil couchant. Magique, et merci les gardes-côtes !

Sao Nicolau, baie de Sao Pedro

Quatre nouveaux wahoos s’ajoutent au tableau de chasse de Bruno dont un record à 25 Kg, quelques bords en 6m² pour moi, le petit village de Sao Pedro est une escale bien sympathique malgré les rouleaux sur la plage qui interdisent tout débarquement. A noter que le mouillage est dans l’axe de la petite piste d’aviation, alors il nous faut baisser la tête de temps en temps…

Sao Nicolau, Mindelo

Après 2h30 de moteur dans le canal séparant Sao Vincente de Santo Antao, contre vent et vagues, mais avec le courant porteur et les dauphins en escorte, nous atteignons Mindelo.
Radio ponton a bien fait son boulot, on s'attend à une marina cheap en installation, une ville qui craint, bref un endroit où l'on attend une météo propice au grand départ sans rien d'autre à faire que boire des bières au Yacht Club. Mais comme d'hab', radio ponton a tout faux, et après une belle manœuvre sans souci, on se retrouve amarré contre le ponton principal, au milieu de tous nos copains arrivés la veille et déjà repartis en ferry sur Santo Antao pour randonner. Une jolie marina donc, en plein centre ville de Mindelo. On fait le plein d'eau pour tenter de se débarrasser un peu de la poussière capverdienne ramassée au cours des mouillages précédents, et on s'aventure en ville un vendredi soir, pour voir si comme annoncé par le guide, les capverdiens font la fête tous les soirs, et notamment le vendredi. Mais notre rythme habituel n'est pas encore calé sur leurs horaires, et après une excellente feijoada (plat traditionnel brésilien) aux fruits de mer, on regagne Thetys et le lit qui tangue quelque peu, avant que les capverdiens mettent l'ambiance. On profite quand même de la sono du concert du jour jusqu'à pas d'heure, entre deux rêves.

Samedi matin, frais et dispo, on est d'attaque pour partir en exploration du centre ville. Sac à dos, appareil photo, on trouve des rues pavées, des maisons délabrées colorées, des petits bistrots glauques, des blacks pas encore remis de leur soirée précédente, des mamas qui vendent des herbes fraîches et odorantes sur le pas de leur porte. On visite le marché aux fruits et légumes où Bruno goûte du rhum arrangé localement (grogue) avant d'en acheter une bouteille capable de ramoner n'importe quel estomac de marin habitué (ce qui n'est pas encore notre cas), et on y trouve quantité de bananes, papayes, citrons verts pour agrémenter de frais nos prochains repas. La ville est calme, sympa, colorée,  les mamies dans la rue se laissent prendre en photo en se moquant les unes des autres, on  prend notre temps, on déguste cette nouvelle ville avec le plaisir de la découverte dans une ambiance de samedi matin assez feutrée.

Notre soirée est plus chargée, avec un anniversaire sur un bateau copain, du champagne à gogo, du foie gras, et une dernière tournée au clube nautico pour la route, ou plutôt le ponton qui tangue fort au retour.
Et puis aujourd'hui, comme c’est dimanche et qu'on a raté la messe, on part sac au dos s'aérer les oreilles sur le Monte Verde voisin, 15mn de taxi pour être déposé au pied. Plus de 2h de marche aller-retour, dans le froid et la grisaille (sisi), pour un panoramique à 360° de Sao Vincente, englobant même Santa Luzia à l'Est et Santo Antao à l'Ouest, le temps que le mal de tête de Bruno disparaisse dans cet air pur et aérien (700m d'altitude quand même !). Pas mal du tout. 

Et puis la météo (enfin les vagues surtout) n'ayant pas l'air de prendre plus que ça la direction des Antilles, on en profite pour aller passer 3 jours sur Santo Antao, pour marcher et faire les touristes dans cette île qui se trouve à 1h30 de ferry de Mindelo, et est apparemment la plus belle du Cap Vert… Inratable !

Santo Antao

Impressionnés. Surpris. Conquis. On en a pris plein les yeux. Pourtant, à force d’en entendre parler avec des superlatifs, on se dit qu’on va peut-être être déçu… Impossible. Suivant les conseils de nos copains, on ne perd pas de temps à l’arrivée à Porto Novo, après le ferry rouillé et rouleur qu’on supporte vaillamment, en restant méfiant.

Un aluguer (taxi collectif local), un chauffeur sympa et parlant français, et on se met en route pour la route de la Corda, qui traverse l’île du sud au nord, via la chaîne de montagne qui sépare ces deux versants si différents.

Le sud est sec, très « Cap Vert », des pentes de volcans arides et pierreux. Le nord, protégé par sa chaîne de montagne (l’arête se promène aux alentours des 1500m d’altitude), est vert et humide, parcouru de ruisseaux qui deviennent des cascades à la saison des pluies. La population de ce côté de l’île est tournée vers la terre, et les barques qui partent à la pêche de Ponta Do Sol (le joli village du nord qui sert de camp de base à notre séjour) n’ont pas la mise à l’eau facile, avec les vagues de plusieurs mètres qui déferlent continuellement derrière la digue vaguement protectrice. La vie tournée vers l’agriculture n’est pas des plus simples non plus, car ici tout se gagne sur la montagne, et notamment les cultures en terrasse, ou les chemins d’accès aux villages enclavés dans de petites vallées où les mètres carrés à plat doivent valoir cher, vu leur rareté.

Toujours sur les bons conseils de nos copains, on attaque le premier jour par la randonnée côtière, entre Ponta Do Sol et Cruzinha, les sommets de l’île restants bien cachés sous une bonne couche de nuages. Un chemin creusé en corniche avec les falaises au-dessus et les grosses vagues en dessous, une ambiance qui ne donne pas envie de partir en transat.

Quatre heures de crapahutage sur des chemins pavés dans un endroit totalement improbable... A chaque fois qu’on se retrouve en vis à vis de la falaise, on ne peut pas deviner où serpente le chemin, tellement il a été creusé dans le flanc du rocher.

Le côté « côtier » ne nous épargne pas le dénivelé, et les VTT croisés dans une remontée vertigineuse doivent encore s’en souvenir, sauf leur guide capverdien, en tong… On traverse des petits villages isolés de tout, et le chemin supporte une ligne électrique qui est sans doute la raison initiale de ce tracé somptueux. On profite !

Le soir, la pension Vittoria et le restaurant du Gato Preto nous permettent de savourer local. Le temps se repose ici, comme nous. On est au bout du monde enfin.

Le lendemain, notre randonnée débute par le tour du volcan de Cova (1500m d'altitude), enfin sorti des nuages qui le protègent habituellement des regards. C’est un grand cratère dans un décor de moyenne montagne, tout vert, où cultures, ânes et vaches se partagent les champs verdoyants.

Ensuite on attaque le gros morceau de la journée, la descente de Ribeira de Torre. 1500m de dénivelé et 5 heures de marche dans un décor féerique, irréel, vert, paisible. Digne d’Indiana Jones. Quand on se retourne, on ne peut pas imaginer qu’un chemin descend dans cette paroi  abrupte et sauvage. Pourtant, mètre après mètre, pavé après pavé, les hommes de la vallée on construit ce sentier qui leur permet de couper au plus court pour rejoindre l’autre versant de l’île. Encore faut-il de bons mollets… Arrivés à mi-descente, on traverse un village perché sur les corniches au milieu des potagers en étages gorgés de magnifiques légumes immergés dans une terre noire et riche. Îlot de verdure bien gardé dans cet immense cirque vertigineux qui l'entoure. Les habitants nous font de grands sourires, se prêtent gentiment au jeu des photos, la vie s’est arrêtée ici, loin du reste du monde. Encore que… Continuant notre descente, nous croisons une ribambelle de gamins qui rentrent de l’école, située au village d’en bas, dans la vallée, loin d’ici à pied… Ils font tous les jours une demi-heure de bus et une bonne heure de marche (aller) pour quelques heures d’école qui doivent leur sembler bien éloignées de la vie d’ici. Ils sont en uniforme (bas de survêtement vert et chemise bleue), en tongs ou pieds nus, ils ont le sourire jusqu’aux oreilles et sont plutôt réceptifs aux bonbons offerts par Bruno !

Cette balade restera comme l’une des plus belles que nous ayons eu l’occasion de faire jusqu’à ce jour.  Merci à ceux qui nous l’ont conseillé !!!

Jambes fatigués, nous finissons par une soirée en musique au petit resto de la veille, Cesaria Evora étant la grande référence locale, mais jouée et chantée par trois gars et une sensibilité toute capverdienne, on se laisse subjuguer et envahir par la fatigue.

7 décembre 2012, Mindelo

Il fait grand bleu, une petite brise tranquille balaie la baie de Mindelo, les vagues trop grosses semblent s'être transformées en houle, Andanza est au ponton gasoil, lessives, courses au marché et calage de l'annexe sont faits, on jette un dernier coup d’œil aux fichiers météo, option tout droit, il n’y a plus qu'à s’envoler vers le large, plein Ouest, direction les Antilles, avec les copains partis hier en point de mire !!!

NEWS du 07/12/12