le VOYAGE DE THETYS
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NEWS du 24/02/14
DIRECTION SAN BLAS

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Thetys reprend la nav’, direction les San Blas


Bocas del Toro le retour


De retour à Bocas del Toro au Panama après un looooooooooooooooooooooong break dans notre voyage, il faut se ré-acclimater. Avec 30° nuit et jour et les nonos toujours bien piquants, c’est sans transition et efficace. Mais c’est si bon d’être à nouveau sur Thetys qui a plutôt bien supporté cette pause, bichonné par l’équipe de la marina Red Frog. Quoiqu’il en soit ça nous servira de  leçon : un bateau, c’est fait pour être utilisé !

Il nous reste quelques détails à régler avant de pouvoir repartir, et nous sommes très motivés pour que ça ne s’éternise pas. Le plus gros boulot, c’est le ravitaillement en grand, celui des « 3 mois ». Sauf qu’à Bocas del Toro, le plus grand mini-market n’arrive pas au quart de surface d’une supérette chez nous… et que nos placards sont vides : riz, pâtes, jus, lait, boissons, boîtes de conserve fruits et légumes, sucre et farine sont obligatoires. Heureusement les « chinois » qui tiennent ces bazars sont sympathiques et débrouillards. 80% de notre liste est expédiée dans les deux plus grands. Nous n’avons plus qu’à explorer patiemment tous les autres à la recherche de produits plus rares que nous saurons apprécier à leur juste valeur : compotes, riz basmati, sauces bolognaises de marque italienne validées par Bruno (!)… Je dois me résoudre à oublier le chocolat, qui n’existe pas ici sauf en fève de cacao.


Courses faites, il faut encore pousser les quatre caddies jusqu’au quai, remplir le taxi boat qui nous ramène à la marina en quinze minutes, tout vider sur le ponton, charger les sacs dans le bateau, ouvrir tous les placards et coffres pour trouver une place à chaque aliment, supprimer tous les contenants qui pourraient abriter des œufs de bestioles malvenues sur un bateau. Au bout d’une journée éprouvante (il fait toujours aussi chaud), le plein est fait, pour 2 mois j’espère…!!!

Dernier sujet : le créneau météo. Notre prochaine destination est les îles San Blas (Panama toujours), 200 milles à l’Est de Bocas, soit environ 36 heures de navigation. Hé oui, de l’Est, une fois n’est pas coutume, dans notre tour du monde vers l’Ouest. Pour cette fois « à l’envers », il nous faut trouver une petite fenêtre sans trop de vent, avec le minimum de vagues, et espérer le courant inverse indiqué par les cartes. Et probablement serrer un peu les dents…

Et un peu de nav’…

Décollage avec un vent travers de dix petits nœuds, un gros courant qui pousse, et une belle houle de face mais sans vagues courtes. Rien de tout cela ne gêne Thetys, fameux destrier, filant 6-7nds toutes voiles dehors.
Jusqu’au moment où le soleil se couche, où les repères visuels extérieurs disparaissent, où nos estomacs se retrouvent un peu face à leur future nuit qui s’annonce quand même bien agitée. Moment critique, puisqu’aucun de nous deux n’est prêt à rentrer dans le bateau pour cuisiner. Nous voilà ventres vides (depuis les crêpes du petit déjeuner) et malmenés. La conséquence naturelle ne se fait pas attendre… Ensuite la nuit se passe un peu à tâtons, entre la surveillance du vent, le radar qui sonne régulièrement, le sommeil qui tente de nous faire oublier cette fâcheuse posture, et Thetys qui galope tout seul comme un grand, visiblement à l’aise.


Au lever du soleil nos estomacs vont mieux mais nous sommes sans force, épuisés par ces conditions inconfortables. A quelques milles de là, la baie de Linton fera parfaitement l’affaire pour ce 24 décembre 2013 ! Nous jetons l’ancre dans l’après-midi, accueillis par les singes hurleurs de la forêt voisine. Un gros plat de pâtes à l’heure du goûter et une nuit anticipée feront notre réveillon cette année : joyeux Noël !

Il reste 40 milles pour atteindre notre objectif, une question de 6-7 heures.  En début d’après-midi, nous apercevons les cocotiers des  San Blas. Notre premier plouf depuis bien trop longtemps est un grand bonheur, l’eau est à 29° (pas d’erreur de frappe !!!), ça sent les vacances !!!

San Blas, jamais deux sans trois…


Nous voilà aux San Blas pour la 3ème fois : 2009 avec le premier Thetys, Avril 2013 après notre séjour cubain, plus aujourd’hui. Le terrain de jeu est parfaitement adapté à cette reprise de  vie de tourdumondistes et nous ne boudons pas notre plaisir. S’offrent à nous des dizaines de mouillages que nous adaptons à la météo et aux envies. Crabes et langoustes n’attendent que la mayonnaise maison. Les gros poissons qui se tiennent à distance des harpons inexpérimentés ont intérêt à apprendre à nager vite, le pêcheur est de retour ! Quant à mon matériel de planche, les kilomètres de barrière de corail dessinent des spots exceptionnels, ça va glisser !


Palmes, masques et tubas reprennent vite du service. L’œil averti du pêcheur repère les coins propices, et malgré une eau assez chargée, les progrès de l’expérience polynésienne se font vite sentir. C’est les voisins qui sont contents lors des livraisons de gros barracudas et pagres. Il faut cependant composer avec de nouveaux venus : Bruno croise des requins nourrices (ou dormeurs) quasiment tous les jours, et même s’ils sont censés être inoffensifs, ces longs bébés de 2-3m restent impressionnants. Surtout que certains sont insomniaques (pour des dormeurs), j’en fais l’expérience en tombant nez à nez avec un beau spécimen qui se promène comme moi le long d’une grosse patate de corail.

Les raies aussi, léopards et pastenagues, se sont multipliées, et il n’est pas rare d’en voir sauter  à 1m au-dessus de l’eau, juste à côté du bateau. Les splashhh retentissent de préférence au coucher du soleil, lorsque la piscine où Thetys est mouillé devient miroir. Séquence émotion lorsque l’une d’elle saute à 2 mètres … au-dessus de moi lors de ma balade aquatique quotidienne. Puis petite panique quand son rémora décide que je pourrais être sa nouvelle mère... Contact électrique et Bruno (mon héros du jour) vient me secourir avec l'annexe, même s'il ne reste que quelques mètres à parcourir pour sauter sur la jupe de Thetys.

La rencontre aquatique la plus marquante de ce séjour  est sans conteste celle avec des dauphins. Cela fait plusieurs fois que nous en croisons, notamment en navigation entre les îles. Lorsque leurs ailerons rident la surface de l’eau à moins de 200 mètres de Thetys au mouillage, nous sautons dans  l’annexe  avec l’espoir de les voir évoluer sous l’eau. Bruno me dépose au milieu d’eux. Ils ne vont pas vite mais un bon coup de palme est nécessaire pour se mettre dans leur rythme. C’est sans doute l’heure des câlins, et je les vois onduler par couple (de deux ou trois) pendant que d’autres montent la garde. Ils doivent mesurer dans les deux mètres, je reste juste à distance, ne souhaitant pas vérifier les légendes sur leur côté débonnaire ou joueur. Je ne fais visiblement pas le poids ! Je fixe sur ma Go Pro l’instant, irréel et fugace !

Les mouillages s’enchaînent, à raison d’un nouveau tous les 3-4 jours. Salardup, élu "mouillage idéal" des San Blas en 2009 ne nous fait pas défaut, même si l’eau est vraiment moins claire que dans nos souvenirs. Sans doute la météo. Quant au banc de pagres qui avait eu raison de l’oreille de Bruno à l’époque, il a apparemment disparu, et ce malgré une recherche acharnée…
A terre nous retrouvons les indiens Kunas, propriétaires de toute cette région du Panama. Sur presque toutes les îles se trouvent une hutte, une famille, quelques pêcheurs, avec lesquels Bruno part en chasse. Au retour nous partageons la récolte du jour avec eux, c’est l’occasion de manger « Kunas », soit poisson grillé et riz au coco, les pieds dans le sable.


La belle découverte, c’est le mouillage entre Ukupsuit et Kalugirdup (ça ne s’invente pas). Piscine turquoise d’1m80 de profondeur, il faut bien rentrer la tête quand on plonge de la jupe, cette eau translucide nous rappelle Bora Bora…


Côté rencontres, Clown (des avignonnais à retrouver pendant le festival au théâtre « Au bout là-bas » !), Namaste, Aquablue (avec ses nouveaux propriétaires, bateau qu’on avait rencontré il y a 6 ans à Trinidad) et quelques autres ont été l’occasion d’apéros sympas et de barbecues sur la plage.
Malheureusement les San Blas sont devenus un endroit très fréquenté par  les bateaux de charter, qui changent de mouillage tous les jours. Pas une minute à perdre, ils posent leur ancre au Waypoint précis et éventuellement à moins de 10m de nous, ce qui nous change un peu du style tourdumondiste, moins « collé-serré » et plus « je prends le temps ». Le monde évolue…


Profitant d’être à nouveau dans l’ambiance « tour du monde », le tournoi d’échecs des San Blas est lancé. Il se finit quand même par un 6 à 2 dont Bruno se souviendra, attendant avec impatience sa revanche au Belize !

Après la mer, la « ville »…


Carti puis Isla Tigre sont deux bonnes occasions de découvrir le mode de vie « urbain » des Kunas. Ne nous emballons pas, il s’agit juste de petites îles avec une très forte concentration d’habitations, des ruelles en terre et les quelques administrations locales, seuls bâtiments en dur : école, congresso (conseil du village), dispensaire… Les cabanes, fabriquées en bois et palmes, comptent une seule pièce à vivre pour toute la famille, avec le feu de bois dans un coin pour la cuisine. Elles débordent sur l’eau via des pontons branlants au bout desquels on trouve la cahute-toilettes. La récolte des ordures ménagères n’existe pas, et leur solution consiste à jeter les sacs plastiques à la mer… La côte étant sous le vent à quelques kilomètres de là, on n’ose pas imaginer la décharge qui doit se trouver sous les premiers arbres de ces immenses forêts tropicales. Pourtant, dans chaque village, les femmes sont de corvée deux fois par jour pour balayer les ruelles de terre, et c’est d’ailleurs tout propre. Mais dès qu’on glisse un œil entre deux huttes…


A Carti, par l’odeur alléchés, nous débarquons inopinément chez le seul boulanger du coin, au moment où il extrait une douzaine de mini-baguettes de sa minuscule et vieille gazinière. Boulanger sans boulangerie, nous sommes chez lui, où il travaille sous l’œil vigilant de sa femme qui se balance dans le hamac. L’odeur est irrésistible, et Bruno torpille deux pains en négociant un petit stage. Après les pâtes à pizza à Cuba, ses compétences s’élargissent. Il en profite pour peaufiner le business plan d’Illuminatio (c’est le nom de notre boulanger), bien décidé à implanter… la pizza aux San Blas ! Ses délicieux pains chauds  coûtent 0,10€ pièce, alors que la pizza, pour un peu de tomate et de fromage en plus, pourrait se payer 65-75 centimes au bas mot. Quant aux nombreux bateaux de voyage, ils apprécieraient certainement le ravitaillement en pain frais au mouillage. Notre ami n’a plus qu’à s’organiser avec les lanchas qui parcourent les mouillages chargées de fruits et légumes… Un peu plus on restait pour l’aider…

Ainsi se termine notre 3ème séjour aux San Blas.


L’évolution en cinq ans est tangible, amenée en grande partie par la construction de la route jusqu’à Carti. Panama City ne se trouvant plus qu’à quelques heures de bus, le paradis des San Blas devient accessible aux touristes, même pour une seule journée. La notion de nouveau business est perceptible. Des barques sillonnent ces mouillages autrefois tranquilles, le cours de la langouste est passé d’une bière à 5 ou 10 dollars, selon la tête du client (ou la taille du bateau), et presque toutes les îles sont habitées et entretenues, proposant un repas ou quelques bières aux visiteurs de passage, voire de faire du camping !

D’ailleurs les langoustes attrapées par les Kunas sont de plus en plus petites, alors Bruno n’hésite pas à leur faire la leçon (en espagnol s’il vous plaît) sur la pérennité de leurs ressources naturelles. Pour l’exemple, nous leur payons puis relâchons sous leur nez celles qui doivent encore apprendre à nager…

L’archipel reste incontestablement un éden pour les tourdumondistes. A chacun de dénicher son mouillage de rêve !

Isla Tigre se trouve en dehors du circuit classique de tous les bateaux, puisque l’île est sur la côte Sud-Est du Panama qui glisse vers la Colombie. A peine pied à terre, nous sommes pris en charge par Ferdinando (de Lesseps, un petit jeune plutôt malin qui connaît l’histoire du Canal). Il parle anglais et s’annonce « guide touristique ». Kuna pur souche mais nouvelle génération, habillé mode et casque sur les oreilles, il a appris l’anglais à « l’université » pour pouvoir faire ce boulot. Une alternative à l’autre option choisie par ses copains qui tous les jours partent pêcher comme leurs pères et grands-pères, équipés d’une paire de palmes rafistolée.
Ferdinando nous accompagne dans notre balade à travers le  village. L’île est une espèce d’immense terrain couvert de grandes cases assez semblables les unes aux autres, ça ferait presque « village vacances ». Les gamins jouent au foot (et s’extasient devant le toucher de balle de Bruno qu’ils prennent pour Ribéry, véridique), les gamines minaudent, les mamies vendent des molas, quatre vieux palabrent au congresso. Nous sommes jour de fête nationale, et toutes les huttes arborent fièrement un drapeau rouge, fêtant ainsi le gain de la révolution pour perpétuer les traditions Kunas contre l’avis de leurs voisins colombiens.
L’ambiance est tranquille, familiale, on sent que la visite des touristes ne soulève pas les foules, trop rare pour être synonyme de source économique. Bruno en profite pour donner un coup de main (et un peu de matériel) aux pêcheurs locaux, dont un des jeunes avec lesquels il était allé chasser à Coco Bandero. Très différent de tout ce qu'on a pu vivre aux San Blas jusqu'à maintenant, bonne pioche ce stop sur la route de la Colombie !

Notre dernière escale panaméenne sera Snug Harbor, un joli mouillage bien protégé proche de la côte. Nous évitons toutefois le plouf à l’arrière du bateau, toujours dans le doute de la présence d’un crocodile amateur de marins d’eau douce…