le VOYAGE DE THETYS
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NEWS du 03/04/14
CARTHAGENE des INDES - COLOMBIE

Cartagena de Indias, escale technique et touristique haute en couleurs


Mi-février, profitant d’un petit créneau météo engageant, nous envoyons toute la toile par une belle journée d’hiver caribéen (soleil et 30°) pour rallier la Colombie. A 200 milles des San Blas, plein Est (!), se dresse Cartagena, ville de fantasme pour navigateurs à l’estomac bien accroché.
De source sûre, le port de Carthagène idéalement placé sur la route des Indes occidentales occupa une place prépondérante dans l'histoire de l'exploration du monde. L’or issu des pillages des empires aztèques et incas voisins, et les mines d’émeraudes enfouies sous les proches montagnes apportèrent un souffle riche et sulfureux à la citadelle. Aventuriers et pirates de tous bords (anglais, français…) ont convoité et attaqué régulièrement le bastion espagnol par le passé.

Une escale incontournable pour tourdumondistes…


Le vent au près emballe Thetys en ayant encore une fois raison de nos capacités marines. Heureusement la récompense est au rendez-vous après une nouvelle nuit de veille difficile : les lueurs du soleil levant se découpent sur les côtes colombiennes !

L’arrivée dans l’immense baie de Carthagène est magique. Les gratte-ciels de la presque-île de Bocagrande étincellent au soleil, disputant nos regards aux toits colorés de la vieille ville classée au patrimoine de l'humanité de l'UNESCO. Thetys se glisse dans le mouillage de la marina, à quelques encablures seulement des imposants remparts qui protègent l’ex-citadelle.

Nos âmes de flibustiers se réveillent, vite requinquées par une bonne part de pizza dégustée sur une place haute en couleur du vieux centre.

Après une première nuit de récupération au mouillage, le confort de la marina nous semble plus adapté à la vie citadine. Même si les priorités se discutent (…),"appros" et "bricos" vont constituer indubitablement une bonne partie de notre activité sur place, en plus du tourisme. Accéder à Thetys par une simple passerelle (même scabreuse) va considérablement nous simplifier la vie. Et ne nous leurrons pas, les deux mois passés aux San Blas et le futur trip Belize – Bahamas ne nous donneront pas si belle occasion de trouver un vrai supermarché avant le mois de juin. Nous sommes à pied d’œuvre !


Surprise, notre séjour carthaginois commence par des retrouvailles inattendues. Nos tongs qui reprennent du service foulent les berges en direction de notre première soirée terrienne quand nous apercevons Houbara majestueusement garé en bout de ponton au Club de Pesca voisin. Leur catamaran Sunreef de 82 pieds dépasse de partout ! René et Paulette, rencontrés l’an dernier à l’occasion d’une soirée remarquable sur un caillou perdu et venté de la côte sud cubaine, sont à bord. Nous fêtons dans les bulles et les sourires cette soirée improbable, qui prouve encore une fois que la terre est ronde… Et appréciant à leur juste valeur toute la classe et le soin apportés à ce dîner par leur équipage belge, Anton et Clémentine.

Plus pratique et nettement moins romantique, nous nous attelons vivement à la "liste des choses à faire". Les papiers d’entrée en Colombie sont gérés par un seul et unique interlocuteur, une agente qui embarque passeports et papiers du bateau nous laissant juste une carte de visite…

Une fois en règle, c’est parti pour les festivités : deux réservoirs de gasoil remplis, deux moteurs vidangés, deux coques grattées, des coussins de poste de barre neufs, un mât tout propre, un solent revissé, des inox qui brillent au soleil caniculaire de Cartagena. Le ciel est d'un bleu éclatant dès le matin, il n'y a apparemment aucun cumulus dans l’azur colombien... Dès la fin de matinée le ventilo du bateau est au boulot. Surtout que le peu d'air qui vient de la ville nous amène plus de poussière que de fraîcheur... Heureusement au ponton l’eau coule à volonté pour Bruno, qui entame sa lutte quotidienne contre les nuages ocre qui couvrent la ville et Thetys.

Pendant que je bataille avec internet : météo, administratif, mise à jour du site web…, Bruno ne s’arrête même pas pour respirer. Résultat sa liste technique rétrécit à grande vitesse. Efficace le mousse et pas avare de transpiration ! Le tapissier* nous fait du super boulot, le sourire apparaît sous les gouttes de sueur !


Etape incontournable de toute bonne escale qui se respecte, les courses sont à l’ordre du jour. Notre espagnol s’enrichit lors d’un petit repérage préalable : l’Arequipe va allonger notre liste, alourdir Thetys et enrichir nos soirées crêpes ! La découverte du "dulche de leche" (caramel épais) colombien signe la disgrâce du Nutella, piètre remplaçant du caramel au beurre salé vendéen épuisé depuis longtemps.

Le passage en caisse bat tous les records : 2,8 millions de pesos, notre plus beau score en six ans autour du monde ! A la hauteur du budget, la gentillesse et le service sont inclus, et un as du volant de caddy nous ramène le tout au bateau, sautant allègrement les écueils qui jalonnent le ponton, et s’arrêtant in extremis avant notre passerelle en équilibre. Va-t-on tenir trois mois cette fois ???

Toutes ces tâches dûment acquittées quotidiennement avec le soin qui nous caractérise (Bruno veille…), les soirées sont synonymes de relâche ! A l’heure où le soleil en feu plonge derrière les tours de la péninsule, teintant de rouge le mouillage ébouriffé par les rafales de fin de journée, nous découvrons l’ambiance des rues de Cartagena.

Le quartier de Bocagrande et ses immeubles n’ont aucun charme, ce qui ne nous empêche pas d’y apprécier quand même une soirée au Carbon de Palo, excellente table de viande où un pichet de sangria nous envoie en orbite.

Entre petits restos, grands restos, airs de salsa et apéros, nous rencontrons Gonzalo, espagnol atypique qui nous invite à dîner chez sa sœur. Nous prenant ainsi au jeu des rencontres insolites et opportunistes typique des tourdumondistes. A l’image de la population métissée qui hante Cartagena, cette soirée compte un seul colombien pour une allemande, deux français (nous), deux espagnols, une new-yorkaise, et un brésilien. Notre espagnol progresse nettement même s'il reste encore beaucoup trop limité pour que nous n’ayons pas mal de tête après 3h de "papotage" ou plutôt de tentative à suivre la discussion. A moins que ce ne soient les mojitos ???

Enfin l’heure du "vrai" tourisme a sonné : le tour en calèche, c’est fait, la remarquable porte de la Torre del Reloj (Tour de l'Horloge) sous laquelle nous entrons dans la ville chaque soir, c’est fait aussi. Nous décidons d’approfondir. Les douze kilomètres de remparts qui entourent la vieille ville se prêtent bien à une visite matinale, et permettent de découvrir les à-côtés des rues touristiques. Le terminal des bus, les vendeurs de rues, l’ambiance sud-américaine ressurgit dans les faubourgs de la cité, il suffit de s’écarter de deux-trois rues pour retrouver une Carthagène moins aseptisée.

Le tour des sites typiquement touristiques est expédié en une matinée : le couvent de Santo Domingo avec sa vue panoramique, le fort de San Felipe avec ses fortifications démesurées et ses vieux canons, et une sculpture étrange de zapatillas en bronze où chaque touriste essuie sa transpiration le temps d’une photo. Plus sympas et moins fréquentés, c’est l’heure d’une pause dans les quelques musées (gratuits) qui encerclent une jolie place ombragée. La climatisation du musée d’art moderne est plus appréciable que les œuvres très très spéciales qu’il abrite, mais c’est surtout le musée de l'or qui nous attire. Les minuscules statuettes façonnées il y a 2000 ans laissent toujours songeur quant à la capacité de ces peuples à travailler la matière aussi précisément et finement, comparé aux techniques européennes même 1000 ans plus tard…


Case touristique officielle cochée, nous déambulons aléatoirement au gré de l’humeur du photographe attiré de rues en rues par son œil avisé. C’est ainsi que nous prenons un dimanche matin la direction du marché, le vrai, garanti sans touriste !

Seuls non-colombiens à deux kilomètres à la ronde, notre approche est un peu timide, quand nous tombons d’entrée sur les étals des pêcheurs. Leurs yeux sombres brillent sous les écailles des poissons préparés et vidés dans la rue, surveillés par des mouettes rieuses affamées. Ca pue à nous dégoûter de pêcher pour le restant de nos jours...

Fait assez rare et très appréciable, l’appareil photo est ici un sésame extraordinaire pour s’inviter dans la place. L’humeur est très joyeuse, et après s’être fait un tout petit peu prier, les photographiés se renvoient Bruno d’étal en étal, nous faisant parcourir le marché complet au gré de leurs liens familiaux et amicaux. Les sourires sont authentiques, et même les quelques réfractaires (dont la super mama qui vend du charbon) se laissent amadouer par une bouteille d'eau ou en voyant le résultat sur le minuscule écran de l’appareil. Ca grouille de bruit, de vie, de colombiens ravis de notre visite ou de ce beau dimanche matin, de gamins effrontés, d’adolescents stylés, de mamies fatiguées qui vendent de tout dans ce bazar coloré. La viande se présente sous forme de très longues chipolatas roses et charnues, les piles de fruits et légumes locaux s’associent aux fraises et raisins importés du Pérou, le fatras rutilant des ustensiles de cuisine cède la place aux caisses d’épices aux milles parfums, les merdouilles multicolores en plastique "made in China" tiennent leur rang, les livres scolaires bien rangés sont d’occasion, et quelques odeurs de plats cuisinés nappent ce festival image-son-odeur, réveillant nos cinq sens.

Seuls touristes à l’horizon, aucun sentiment d’insécurité ne nous effleure pourtant, dans ce quartier populaire, loin de la vieille ville fliquée à profusion. C’est l’heure de profiter !

Nous fondant avec un plaisir immédiat dans cet environnement si éloigné de notre vie de bateau confortable, nous nous emplissons du plaisir de la découverte et de l'aventure à seulement quelques encablures de la "zone touristique". Moment 200% colombiano pour une balade pleine de charme !

Après cette visite enchantée, la mémoire nous revient : Carthagène était théoriquement une escale ravitaillement et météo sur la route du Belize. Alors quand l’accalmie s’annonce enfin dans le souffle ininterrompu de l’alizé de février, nous décidons d’appareiller sans tarder, pressés de découvrir à quoi ressemble la version annoncée "lac" de la mer des Caraïbes.

Avec 900 milles devant nous, pas besoin de basculer dans le Pacifique pour faire des kilomètres ! Soit environ 5 jours + 5 nuits (soit 6 jours, bien vu Bruno, on ne la lui fera pas...) à 7 nœuds de moyenne.

Plus qu'un coucher de soleil sur les buildings de Cartagena, une soirée dans la vieille ville, une nuit au chaud sans air de la marina. Tout est prêt !!! Yaourts, crèmes au chocolat, et lentilles cuisinés maison (à l’odeur de cuisson idéale pour s'amariner à l'heure du goûter), pizzas et lasagnes à décongeler inopinément, comprimés de Mercalm à portée de main (on ne sait jamais, peut-être que la route Nord-Ouest n'est pas mieux que l'Est...). Films dans l'iPad, hauts-fonds notés sur la carte électronique (il y en a pleins qu'il vaut mieux éviter...), motivation à bloc, ça devrait bien se passer !

Adios Cartagena, et merci pour ces trésors partagés !!!


* Tapimar, Tapicero Profesional, Juan Luis Vargas Durango, 311-4391971, juan_tapiz@hotmail.com

Nos autres soirées se passent dans la vieille ville exclusivement, bien à l’abri des remparts. Pour repérer un peu les environs nous nous offrons le grand tour de ville en calèche, qui nous ramène quelques siècles en arrière. Au rythme des sabots et du discours rodé, imperturbable et monocorde de notre pilote, nous percevons le charme environnant : les balcons suspendus en bois, les torches orangées qui éclairent les rues pavées où déambulent les piétons, au son des musiques qui s’échappent des bars et restaurants. De vieilles portes en bois s’ouvrent sur des patios rénovés avec soin et goût, les colombiens n’ont apparemment rien à apprendre du reste du monde en matière de décoration. Mélangeant élégamment textures modernes, vieilles pierres, planchers en bois d’époque, ou fer forgé qui brillent sous les éclairages indirects des multiples bougies, chaque entrée est une invitation à découvrir les talents de chefs cuisiniers créatifs et qualifiés. Le contraste entre la carte postale classique colombienne des champs de coca poussiéreux et cette vieille ville espagnole charmante et relookée avec style et élégance nous interpelle. Cartagena est aux antipodes de l’image qu’on se faisait de la Colombie.

Rappel intempestif du 21ème siècle, les taxis jaunes d’origine japonaise format pots de yaourt qui sillonnent ces ruelles étroites klaxonnent pour attirer le client. Mais les touristes sont d’humeur flâneuses, appréciant à pied chaque place colorée le temps de prendre un verre en terrasse en écoutant les musiciens de rues, ou d’acheter quelques souvenirs sur des tapis qui couvrent les marches ébréchées des fontaines à sec : bracelets colorés et panamas ivoire sont apparemment des souvenirs classiques de Colombie !

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